Ou comment notre société nie la pluralité de l'être et la puissance des femmes
As-tu observé cette inclinaison de notre société à vouloir que les femmes répondent à cette image de la douceur, de la maternité, de l'attention, de la beauté... Certes, si ces qualificatifs se veulent valorisants, ils enferment cependant, niant ainsi la pluralité des êtres.
Quelles parties sont alors effacées ici ? Chaque être, peu importe son genre, porte en lui l'intégralité des possibles, la palette complète des émotions, des actions. Ainsi, dans ce tableau complet, la violence, les cris, la colère peuvent être au rendez-vous. Pourtant, c'est comme si cette possibilité était ôtée aux femmes.
PRENDRE CONSCIENCE DE CET EFFACEMENT DE LA VIOLENCE
Les cas de violence provenant de femmes sont souvent amoindris dans les positions de la justice et dans la pensée commune.
Les actes impulsifs sont montrés comme exceptionnels, insistant ainsi sur le fait que les femmes ne répondent pas à ces orientations.
Dans l'art, les représentations évitent souvent la présence de la violence chez les femmes.
Prenons l'exemple des œuvres autour de la mort de Marat en 1793. Charlotte Corday, par conviction politique, assassine le journaliste Jean-Paul Marat, qu'elle considérait comme un incitateur à la violence, fermement positionné contre les Girondins. Même si elle n'a jamais cherché à renier son crime, assumant pleinement son geste, les représentations ne la montrent jamais "à l'acte". On voit la femme bourgeoise au regard placide, ou parfois même, comme dans l'œuvre du milieu, on l'efface à l'œil du spectateur.
Le phénomène inverse existe également. >> Au lieu de mettre en retrait cette part possible des femmes, on l'exacerbe, mais dans une démonstration démesurée qui, de fait, ne peut sembler réaliste, relevant parfois du mythe : les Amazones guerrières, les femmes Baruyas en Nouvelle-Guinée...
>> Un traitement particulier sera opéré sur les "troubles" féminins. Avant les années 90, dans les institutions thérapeutiques, le traitement de ces actes de violence, mis sous le voile de la folie, se fera par un contrôle de leur sexualité.
>> Un autre volet de cette négation est le rattachement à une figure masculine. Ainsi, les femmes agiraient sous la coupe des hommes, un discours parfois énoncé dans le cas des femmes kamikazes.
L'idée de ces exemples n'est nullement de justifier les violences, de pousser à cela, mais de mettre en regard cet évitement massif. QUELS COMPORTEMENTS DECOULENT DE CETTE NEGATION ?
Ce que cela engendre est un déni, un effacement, un amoindrissement de la force des femmes, de leurs puissances. Si on retrace l'histoire, les femmes étaient autrefois célébrées, notamment pour leur connaissance des plantes et leurs capacités à enfanter. On reconnaissait alors la puissance existant en ces savoirs, ces actes, le corps de la femme était porteur de cela.
Puis progressivement, on a mis cela sous le tapis d'une histoire mettant les hommes au centre, aux places dirigeantes, en positions de décision, même pour des actes concernant les femmes (éviction des femmes des fonctions médicales, les accouchements en positions allongées, la longue période où les femmes n'avaient même pas encore le droit de vote - ce qui est encore le cas dans certains pays). On a fait taire leurs avis, leurs positionnements... cherchant en réalité à étouffer cette force.
Il fallait alors ne plus laisser paraître cette part puissante des femmes. D'où ce formatage progressif en personnes douces et aimantes : les mères au foyer, celles qui mettent en beauté le logis, qui de leurs mains frêles et délicates œuvrent...
FAIRE GRANDIR LA CULPABILITÉ Les femmes qui peuvent ressentir cette violence en elles portent une culpabilité d'autant plus grande car il n'y a pas de place pour déposer cela, le questionner, le traverser.
Au contraire, nous nous observons, nous jugeons cette violence, que ce soit en nous ou dans les actes de femmes exterieures.Et par cette culpabilité, nous effaçons des pans entiers de notre être.
QU'EST DEVENUE CETTE PUISSANCE ? Elle vibre toujours intérieurement, l'importance est de la reconnaître. Et de se souvenir de la possibilité de la violence, sans chercher nécessairement une action concrète, juste, intérieureument, réhabiliter aussi cela.
Les femmes peuvent créer, donner la vie, et détruire. En effaçant ce second aspect, on enlève aussi une parcelle de la force dans la part créatrice. Les accouchements peuvent être une occasion de se reconnecter à la puissance intérieure. Mais si on regarde aujourd'hui les pourcentages de péridurales et autres interventions médicales, on ôte à la femme ce pouvoir.
COMMENT LA RECOUVRER, LA RESSENTIR, LA VIBRER ?
Savoir déjà, connaître et reconnaître l'existence de notre pluralité. Ouvrir son regard, retrouver la connaissance, et dans ce chemin, réapprendre à connaître son corps, réapprendre à se lier à la nature, réapprendre à être entières.
Pour aller plus loin sur ce sujet :
Livre : Penser la violence, Coline Cardi et Geneviève Pruvost, Éditions La Découverte
Documentaires : Loba, Catherine Béchard - témoignages autour de l'enfantement
Je propose également de venir interroger cette part qui peut exister en nous, dans un voyage de reconnexion au corp et à l'intime. Une exploration par la connaissance, le toucher, le souffle et le mouvement, pour permettre de nous relier à notre entièreté, à assumer ces différentes parties de nous.
Il est encore possible de rejoindre ce programme destiné aux femmes, qui démarre début de janvier.
En explorant cette histoire de négation et de formatage, nous découvrons comment la société a tenté d'étouffer la puissance des femmes au fil du temps. Pourtant, cette force intérieure persiste, vibrante et pleine de possibilités. Aujourd'hui, alors que nous célébrons la pluralité des êtres, il est temps de briser les chaînes des stéréotypes et de reconnaître pleinement la puissance créatrice et transformante des femmes.
Article - Sarah Favier
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